vendredi 19 juin 2020

YSL LA COLLECTION DU SCANDALE

Ce sont  les robes trapèzes de Courrèges mais aussi les silhouettes futuristes de Cardin qui bouleversent l’élégance et le New Look des années 1950. Mais le 29 janvier 1971, quatre-vingt tenues sèment l’agitation rue Spontini. À cette adresse, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé avaient inauguré leur maison de couture dix ans plus tôt et cette année là, Yves Saint Laurent crée une collection Haute Couture inspirée de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation allemande. Robes courtes, semelles compensées, épaules carrées, maquillage appuyé étaient au programme et les silhouettes, qui défilaient, avaient choqué les 200 invités triés sur le volet par la Denise du Roi. Les critiques des journalistes de l’époque jugeaient déjà cette collection « hideuse ». Le vocabulaire était assez pauvre pour finir par muter comme un fusil à répétition : « it’s amazing ».

Le lendemain dans les journaux, on pouvait lire :  » l’écart de style d’un couturier qui a la nostalgie de cette époque… et l’excuse de ne pas l’avoir connue ». Le créateur, quand à lui, assumait ses choix et faisait face aux vives (et nombreuses) critiques, qui ne se limitaient pas aux frontières de l’hexagone : « Ce que je veux ? Choquer les gens, les forcer à réfléchir. Pierre Bergé, fou furieux de ces critiques, avait black-listé l’ensemble des journalistes de mode pour trois années consécutives.

La collection avec ses 80 modèles, baptisée « Libération » ou « Quarante », fait entrer avec fracas la mode dans son histoire contemporaine. Elle provoqua l’effondrement des cloisons qui séparent Haute Couture et prêt-à-porter de l’époque, et relègue les termes de l’élégance au rayon des considérations du passé. Comme une rupture dans la trajectoire d’Yves, elle est le manifeste d’un couturier qui se veut désormais arbitre des ambiguïtés. Il s’agit là de la naissance d’une mode rétro brisant le carcan de l’académisme et qui envahira ensuite la rue. Etre visionnaire n’est pas à la portée de tous. Cela révèle une âme, un être qui n’est pas limité à ses sens ; une personne qui se soucie de l’avenir des autres sinon du sien.

Anonymode