Fini le temps où les mains cousaient avant que la tête ne théorise. Désormais, on disserte longuement sur le sens profond d’une manche asymétrique avant même d’avoir appris à coudre un bouton. On enseigne la mode comme un exercice intellectuel, une gymnastique conceptuelle où l’on s’extasie devant une veste sans manches ni trous pour les bras, parce que, voyez-vous, c’est disruptif.
Chaque saison, elle nous pond des génies autoproclamés, diplômés en concept farfelu et en couture de l’impossible. Des vêtements qu’on ne peut ni enfiler sans assistance, mais enfiler reste un mot que l'on aime bien dans ce métier. Imaginez-vous, vêtu d’un manteau gonflable de trois mètres de large, coincé entre la porte automatique du RER B et une mamie qui ne comprend pas si vous êtes un passager ou une installation d’art contemporain.
Ces jeunes créateurs, formés à obéir aux dogmes de l’absurde, empilent les idées comme on empile des vers à soie qui fileraient un mauvais coton. Résultat ? Des tenues concepts qui crient : « Regardez, comme je suis innovant ! ».
Et pendant que ces petits prodiges de la soumission académique rivalisent d’inutilité créative, les oligarques de la mode, ces maîtres d’un empire, où la soumission se vend comme une vertu, applaudissent ce vivier de futurs designers déjà formatés à ne jamais déranger l’ordre établi. On leur apprend l’audace maîtrisée, l’impertinence calibrée, la créativité qui ne remet surtout rien en question. Résultat ? Une génération entière de créateurs qui veulent révolutionner la mode… en suivant, tous, la même règle, celle du seigneur.
FM