lundi 11 mai 2020

UNE DRAGÉE Á SUCER

Enfin, voilà la liberté retrouvée ! Nous pouvons flâner au delà de notre quartier et, ainsi rejoindre les quais de Seine, en passant par la rue des Lombards, là où les infâmes du même nom pratiquaient l’usure et qui furent chasser en 1309 sous le règne de Philippe Lebel. La rue est ensuite occupée par des fripiers de haut vol, dont chacun a sa spécialité : chemises, pourpoints, manteaux, chausses … Ces pourpiers fabricants de vestes courtes portées par les hommes tentent vers 1630 une petite révolution ; ils voulaient rebaptiser la rue pour la nommer rue de la Pourpioncterie ! Mais, les parisiens, toujours rebelles, ne veulent pas de ce nom imprononçable. La rue gardera donc, alors, le nom de la rue des Lombards. Est-ce pour cela que les fripiers vexés s’en sont allés exercer ailleurs ?

En tous cas, c’est en 1650 que la rue accueille une cinquantaine de confiseurs qui rivalisent d’inventions pour attirer les gourmands. Ici, on rissole la praline, on accommode la pistache, on façonne les bonbons… Ainsi, aucun galant n’envisage d’aller faire un doigt de cour à sa belle sans agrémenter ses soupirs énamourés d’un petit sachet de friandises. C’est au 46 de la rue des Lombards qu’un dénommé Pecquet, travaillant sous l’enseigne de « Berger Confiseur », invente en 1750 une dragée à la peau lisse et blanche avec un cœur d’amande douce. Le succès de cette friandise est immédiat et cela fit la fortune du confiseur, ainsi il se voit attribuer par Louis XV le titre envié de « Bonbonnier Royal ».


La dragée avait une autre vie : elle faisait partie d’un jeu qui consistait à suspendre une friandise au bout d’un fil pour que les enfants essaient de l’attraper. Les petits avaient du mal car on leur tenait la dragée haute. On faisait la même chose avec les chevaux, pour leur montrer que l’on n’a rien sans rien : la « dragie » était une botte de fourrage placée en haut des râteliers dans les écuries, d’où l’expression un peu désuète et qui n’est plus utilisée aujourd’hui.

Les dragées au cœur d’amande, quant à elle, feront pour des siècles le bonheur des baptêmes, communions solennelles et mariages. C’était ici rue des Lombards, la promenade du dé-confinement pour vous faire découvrir ou redécouvrir le Paris d’hier chargé d’histoire. Et je ne peux m’empêcher de penser à tous ces bars grouillants qui y « coha-bitent », une dragée à sucer. Finalement, la rue n’a pas beaucoup changé..

Anonymode